- C’est à Font-Ségugne qu’Aubanel a vu sa « Miougrano » en fleur.
C’est à Font-Ségugne qu’éclot en 1850 son amour pour Zani Manivet, amie des sœurs de Paul et Jules Giera. Et c’est à Font-Ségugne qu’en 1854, année de la fondation du Félibrige, Aubanel, désespéré, apprend que la jeune fille entre au couvent.
De cette séparation vont naître les poèmes de la Miougrano mis à l’index par l’archevêché d’Avignon. Mettant en danger l’imprimerie familiale, et en même temps acclamés par le milieu littéraire, leur retentissement parviendra jusqu’au Japon dès 1905.
MUSIQUE
Lacrima-Francesco Tarrega
De l’autre côté de la mer, dans mes heures de rêverie, souventes fois je fais un voyage, je fais souvent un amer voyage, de l’autre côté de la mer.
Au loin, là-bas, vers les Dardanelles, je m’en vais avec les vaisseaux dont les mâts percent le ciel ; je m’en vais vers ma pauvre belle, au loin, là-bas, vers les Dardanelles.
De vague en vague, sur l’onde amère, comme un cadavre jeté aux mers, en rêve je me laisse emporter aux pieds de celle que j’aime, de vague en vague sur l’onde amère.
De l’autre côté de la mer, dans mes heures de rêverie, souventes fois je fais un voyage, je fais souvent un amer voyage, de l’autre côté de la mer
De-la-man-d’eila de la mar,
Dins mis ouro de pantaiage,
Souvènti-fes iéu fau un viage,
Iéu fau souvènt un viage amar,
De-la-man-d’eila de la mar
Eilalin, vers li Dardanello,
Iéu m’en vau emé li veissèu
Que sis aubre traucon lou cèu,
Iéu m’envau vers ma pauro bello,
Eilalin, vers li Dardanello.
D’erso en erso sus l’aigo amaro,
Coume un cadabre i mar jita,
En pantai me laisse empourta
I pèd d’aquelo que m’èi caro,
D’erso en erso, sus l’aigo amaro.
De-la-man-d’eila de la mar,
Dins mis ouro de pantaiage,
Souvènti-fes iéu fau un viage,
Iéu fau souvènt un viage amar,
De-la-man-d’eila de la mar.
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2. Aubanel, dans la liberté d’expression de l’intimité de son être, se libère des morales sociales qui le contraignent et nuisent à sa force créatrice.
Jean Théodore Aubanel, fils unique du poète écrivait :
« Aubanel, chrétien et catholique, catholique convaincu et d’autre part artiste et païen de sa nature, comme bien des hommes, l’esprit, le sang tout deux ardents sont constamment en lutte ; et de cette bataille sort, par éclair, une lueur de pourpre… »
Tu es belle, ô Vénus d’Arles, à rendre fou !
Ta tête est fière et douce et tendrement ton cou
s’incline. Respirant les baisers et le rire,
ta fraîche bouche en fleur que va-t-elle nous dire ?
Les Amours, d’un ruban avec grâce ont noué
tes longs cheveux sur ton front, frisés par petites ondes.
0 blanche Vénus d’Arles ! ô reine provençale !
aucun manteau ne cache tes épaules superbes
on voit que tu es déesse et fille du ciel bleu
ta belle poitrine nous fascine, et l’œil, plein de rayonnements,
se pâme de plaisir devant les jeunes éminences
des pommes de ton sein, si rondes et si pures.
Que tu es belle ! Venez ! peuples, venez téter
à ces beaux seins jumeaux l’amour et la beauté
Oh sans la beauté, que deviendrait le monde ?
Luise ce qui est beau, que tout ce qui est laid se cache !
Montre-nous tes bras nus, ton sein nu, tes flancs nus,
montre-toi toute nue, ô divine Vénus !
la beauté te revêt mieux que ta robe blanche ;
laisse à tes pieds tomber la robe qui à tes hanches
s’enroule, voilant tout ce que tu as de plus beau :
abandonne ton ventre aux baisers du soleil !
Comme le lierre s’enlace à l’écorce d’un arbre,
laisse-moi dans mes embrassements étreindre en plein ton marbre
laisse ma bouche ardente et mes doigts frémissants
courir amoureux partout sur la blancheur de ton corps.
0 douce Vénus d’Arles ô fée de jeunesse!
ta beauté qui rayonne sur toute la Provence
fait belles nos filles et sains nos garçons
sous cette chair brune, ô Vénus il y a ton sang,
toujours vif, toujours chaud. Et nos jeunes filles alertes,
voilà pourquoi elles s’en vont la poitrine découverte;
et nos gais jeunes hommes, voilà pourquoi ils sont forts
aux luttes des taureaux, de l’amour, de la mort.
Et voilà pourquoi je t’aime – et ta beauté m’ensorcelle –
et pourquoi, moi chrétien, je te chante, ô grande païenne.
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Sies bello, o Venus d’Arle, à faire veni fòu !
Ta tèsto èi fièro e douço, e tendramen toun còu
Se clino. Respirant li poutoun e lou rire,
Ta fresco bouco en flour de-qu’èi que vai nous dire ?
Lis Amour, d’uno veto, emé graci an nousa
Ti long péu sus toun front pèr oundado frisa.
O ! blanco Venus d’Arle, o rèino prouvençalo,
Ges de mantèu n’escound ti supèrbis espalo ;
Se vèi que sies divesso e fiho dóu cèu blu ;
Toun bèu pitre nous bado, e l’iue plen de belu
S’espanto de plesi davans la jouino auturo
Di poumo de toun sen tant redouno e tant puro.
Que sies bello !… Venès, pople, venès teta
A si bèu sen bessoun l’amour e la bèuta.
Oh ! Sènso la bèuta de-que sarié lou mounde ?
Luse tout ço qu’es bèu, tout ço qu’es laid s’escounde !
Fai vèire ti bras nus, toun sen nus, ti flanc nus ;
Mostro-te touto nuso, o divino Venus !
La bèuta te vestís mies que ta raubo blanco ;
Laisso à ti pèd toumba la raubo qu’à tis anco
S’envertouio, mudant tout ço qu’as de plus bèu ;
Abandouno toun vèntre i poutoun dóu soulèu !
Coume l’èurre s’aganto à la rusco d’un aubre,
Laisso dins mi brassado estregne en plen toun maubre ;
Laisso ma bouco ardènto e mi det tremoulant
Courre amourous pertout sus toun cadabre blanc !
O douço Venus d’Arle ! o fado de jouvènço !
Ta bèuta que clarejo en touto la Prouvènço,
Fai bello nòsti fiho e nòsti drole san ;
Souto aquelo car bruno, o Venus ! i’a toun sang,
Sèmpre viéu, sèmpre caud. E nòsti chato alerto,
Vaqui perqué s’envan la peitrino duberto ;
E nòsti gai jouvènt, vaqui perqué soun fort
I lucho de l’amour, di brau e de la mort ;
E vaqui perqué t’ame, – e ta bèuta m’engano, –
E perqué, iéu crestian, te cante, o grand pagano !